Les panneaux (ou nos amis équins)

Les panneaux (ou nos amis équins)

Si vous êtes tombés dedans, je suis franchement désolé de constater votre manque de perspicacité, dans le cas contraire félicitations, car cet article ne se concentrera pas plus que moyennement sur le sujet principal annoncé. On peut alors se demander légitimement quel lien existe entre ces démoniaques quadrupèdes et un somptueux panneau de signalisation ? Sont-ils libres et égaux en droits civiques ? Pourquoi la vieille dinde avait un banjo ? Peut-on consciemment continuer de poser de telles questions ? Quasi-réponses et faux-débats, c’est dès maintenant.

Le panneau fut inventé en 1650 par un jeune facteur cueilleur du nom de Roger Padidet, propriétaire d’une bâtisse néo-gothique perdue au milieu de ses champs. Ceux-ci étaient régulièrement envahis par des nuées d’oiseaux voraces. Gégé ne pouvant plus supporter de perdre ses récoltes, il décida d’exprimer son mécontentement vis-à-vis des volatiles. C’est ainsi qu’il planta de nombreux écriteaux tout autour de ses champs, portant des messages tels que « Bas les pattes » ou « Propriété Privée ». Bien évidemment, les oiseaux de l’époque n’ayant pas accès à une éducation décente, ils ne purent déchiffrer les messages et il n’y eut aucune réaction. Roger sombra dans la dépression et l’alcool, il finit aveugle, ses yeux ayant été dévorés par les pigeons après un coma éthylique sur le seuil de sa porte. Ne supportant pas la cécité, il tenta de se suicider 23 fois par pendaison, sans réussite car il ne pouvait faire un nœud correct à l’aveugle. La dernière tentative fut la bonne, puisque par chance il trébucha sur un clou rouillé et agonisa du tétanos durant plusieurs semaines. Même si son nom et son histoire sordide furent oubliés rapidement, il demeure pour l’éternité l’inventeur du panneau, si utile de nos jours.

montcuq
Le panneau de Montcuq

Un panneau, en fait, kécecé ? Globalement, rien de plus qu’un poteau dont un bout est une forme géométrique affublée d’un pictogramme ridicule placé au centre. Sans transition, clamons les bienfaits de la brouette galvanique. La brouette, véhicule-outil désuet sujet au déclin permanent, autrefois summum du transport de matériel, est aujourd’hui bien souvent une décoration rouillant dans nos jardins. Pourquoi galvanique, me direz-vous alors nonchalamment en sirotant votre jus de tomate, et en vous caressant délicatement la moustache ? Eh bien de peur de me faire voler mon brevet, sachez seulement que cela implique une interaction entre une brouette et une substance animale, alimentant ainsi le véhicule (prochainement dans le commerce).

Mais reconcentrons-nous plutôt sur le demi-sujet, et imaginons-nous un court instant dans un monde sans le moindre panneau. Dans cet espace sans foi ni loi, un espace de libre circulation anarchique, où la population écume les routes dans le stress permanent, où le roi de la route est un Mad Max mayennais, nombreux sont ceux frappés de crise cardiaque au volant. Illustrons alors ceci par un exemple évocateur. Sur l’asphalte, le jeune Kevin avance à fière allure dans sa fougueuse Fiat Panda toute kitée, néons fluos, stickers et pot ninja. Le bolide approche dans l’insouciance absolue d’un carrefour de la mort réputé pour sa dangerosité. Dans la route perpendiculaire, la jeune Dorothée, portant mieux la bombe qu’un kamikaze pakistanais, est aux rênes de sa charrette, tirée par Philibert et Pile-Poil ses amis pour la vie. Les deux animaux font un pas inconscient de plus dans le carrefour, tandis que notre Kevin national n’accorde que la moitié de son attention à la route, l’autre étant dédiée à son iPhone 12. Il n’a qu’une demi-seconde pour relever les yeux et croiser le regard de la bête, stupéfiant d’humanité, une perle de larme au coin de l’œil, tandis que celui du jeune fou du volant est d’ores et déjà rédempteur. Le choc est si violent qu’il décapite les deux équidés d’un coup fulgurant, et soudain le pare-brise n’est qu’une rivière ruisselante d’hémoglobine. Tout ceci laisse la jeune fille pétrifiée, un buffet froid à ses pieds, et des kilos de lasagnes en perspective.

lasagnes
Un bon gros paquet de lasagnes tendres

Il est d’ailleurs pour moi inévitable de vous rediriger vers une recette de cuisine fameuse que j’eue l’occasion de découvrir il y a quelques années, [celle du cheval Melba, du chef Desproges](http://www.desproges.fr/citations/index/122). Je vous conseille de l’écouter, c’est tout ce qu’il faut pour cuisiner dans la bonne humeur. Avec une masse musculaire représentant plus de 75% de la masse totale de l’animal, le cheval offre de nombreuses possibilités pour s’y tailler une bavette. Fier de nature, il n’est pas enclin à céder sa liberté facilement, chose qui agace tout particulièrement l’homme. A titre de comparaison, la vache fait office de bisounours abusant de Marie-Jeanne. Oui, vous le savez aussi bien que moi, le cheval est un animal ingrat et mauvais. Mais rassurez-vous, ils ne sont pas prêts d’évoluer en êtres quadridimensionnels, avec un cerveau représentant 0.12% de leur masse contre 2.33% chez l’homme, on peut toujours essayer de leur apprendre à compter. Il nous reste donc suffisamment de temps pour planifier l’extermination, si chaque personne lisant cet article ouvre une boucherie chevaline, leur compte peut être réglé en moins d’un mois. Oui moi aussi j’en salive d’avance, je pars d’ailleurs poser mes pièges.

En bref, j’imagine que vous avez bel et bien compris la morale de cette histoire, au-delà du fait que le panda surpasse le cheval, ce qui n’était pas à prouver. Même si mes exemples ne sont pas d’une joie absolue, je le reconnais, ils prouvent bien que les panneaux c’est plutôt pratique. Remercions d’ailleurs le dieu de la signalisation d’avoir truffé nos paysages de milliers de poteaux métalliques, car une civilisation sans panneau serait aussi vaine qu’un poisson sans bicyclette.
Au prochain épisode fantastique de mes digressions quotidiennes, je tâcherai enfin de répondre aux questions posées. Ou pas. En fait, on abordera sûrement l’influence grandissante de la science-fiction sur l’athéisme moderne, une religion nouvelle, ou alors pourquoi le fait de porter des santiags rend les émeus agressifs. Enfin on verra quoi. Un indice, renseignez-vous sur le monstre en cigognes.

Images : Flickr - Creative Commons