L'amitié à plus haut sens

L'amitié à plus haut sens

J'ai écrit cet article suite à la lecture d'un ouvrage à haute teneur philosophique sur le thème de l'amitié que j'ai donné à la fin de l'article.

L'amitié selon Heidegger, c'est là où je me sens proprement à demeure, chez moi. C'est dans le Geheimnis, c'est à dire le secret que l'amitié prend son essor. Geheimnis dérive de Heimat signifiant non nécessairement le pays ou la patrie mais le lieu où je me sens pleinement chez moi. Là ou se rassemble ce en quoi vous vous sentez pleinement vous même. Et cela est le secret de chaque être humain, ce qui lui a de plus propre,le secret de Mallarmé dans sa lettre à Aubanel. Ce secret, c'est l’ouverture même de ce qui fonde l'amitié. Heidegger écrit :

« L’amitié ne prend son essor qu’à partir de la
plus haute possibilité pour chacun qu’est cette constance à être intimement soi… ».

En ce sens, l'amitié est sans cesse la quête d'un je mais toujours exposé au péril du dévalement (Etre et Temps,1927) de ne pas être à la hauteur. Nous avons le libre choix de prendre la décision d'être soi bien qu'indépendant de la volonté au sens où « j'ai été pris par la décision » et non d'un « j'ai pris la décision » (ie : Heidegger dit dans  Etre et Temps qu'il faut libérer la langue de la grammaire). L'amitié doit dès lors se considérer comme dirait Chateaubriand comme « une unissonnance des vagues », deux amis gardent leur sonorité propre mais, sonnant ensemble, ils forment une harmonie. La racine indo-européenne «ar» d'harmonie traduit le bel ajointement. Ainsi, deux amis se définissent en ce qu'ils sont ceux qui sont pleinement à leur place dans l'entre-ouverture. L'unisson de cette harmonie est l'ouverture partagée par ces deux amis. Il y a harmonie dès lors qu'il y a rapport à l'autre. L'ami est celui qui est pour l'autre et non celui qui doit faire preuve de son amitié (ce n'est pas nécessairement celui qui aide pour les cartons de déménagement...). C'est de cette unisson de l'autre que je peux dès lors me sentir pleinement moi même et conserver ce qui m'est propre, mon secret.

L'amitié c'est « Etre le là l'un pour l'autre» écrit Heidegger, c'est offrir quelque chose qu'on n'a pas.

Et effectivement l'amitié nait d'une extrême pauvreté et à la fois d'une infinie richesse car c'est justement parce que nous ne donnons rien que nous donnons quelque chose que nous n'avons pas. L'amitié se déploie dès lors que nous octroyons la possibilité à l'autre de s'ouvrir dans son ouvertude afin qu'il puisse être pleinement soi, être à demeure en ce qu'il lui est propre, son secret, son Dasein.


Source : Hadrien France-Lanord, s'ouvrir en l'amitié, Paris, Editions du Grand-Est.